mercredi 21 mars 2007

ACIDE SULFURIQUE

L'acide sulfurique pur est un composé chimique liquide, visqueux, incolore, inodore, toxique et corrosif, qui entre dans la fabrication d’explosifs.


Amélie Nothomb signe un portrait exagéré d’un phénomène déjà bien réel et qui prend de l’ampleur. C’est un fait : ces émissions, à défaut de plaire au grand nombre, marchent très bien ! Toutes les classes sociales sont touchées. Combien d’entre nous n’ont jamais regardé, ne serait-ce que quelques instants, une émission de télé-réalité ? Qui ne s’est jamais imaginé dans un de ces programmes, pour se faire peur, ou qu’il ait vraiment envie d’y participer ? Combien, aux vies ennuyeuses, sont obligés de bouffer des couilles de bestiaux poilus et cornus, pour rendre leur vie plus fun ? Qui sont ces hommes, ces femmes, qui trompent leur conjoint devant les caméras ? Qui sont les spectateurs ? Ces jeunes, en recherche de trash, de gore, d’humiliation et de perversion…ceux la pourraient être nous ! C’est si bon de rire de l’humiliation des autres !

Vint le moment où la souffrance des autres ne leur suffit plus ; il leur en fallut le spectacle.

'Concentration' est la dernière innovation de la télé-réalité. On enlève des gens, hommes, femmes, enfants, on recrute des kapos, on filme ! l'audimat explose. Pannonique, une étudiante à la beauté remarquée, s’est fait rafler lors d’une promenade au Jardin des Plantes. Elle est devenue CKZ 114 dans le camp de concentration télévisé. Zdena, chômeuse devenue la kapo Zdena, découvre en Pannonique son contraire et se met à l'aimer éperdument. Un amour à sens unique entre la victime et son bourreau, la belle et la bête. Quand les organisateurs du jeu décident de faire voter le public pour désigner les prisonniers à exécuter, personne ne s'abstient de voter et Pannonique joue sa vie.


Une Critique corrosive qui dénonce la culture de consommation télévisuelle de notre société, en mélangeant, outre un phénomène que l’on a tendance à dédramatiser (la télé-réalité), un moment sombre de l’histoire au comportement des téléspectateurs hypnotisés et subjugués, apathiques et voyeurs, fautifs. La télé-réalité y est présenté comme un vecteur d’inhumanité et de perversité, destructrice de l’identité devant la masse anonyme des spectateurs, dans une société ou nombreux sont ceux à la recherche d’une appartenance.


Un roman pathétique, bourré de clichés, aussi insipide que saisissant. Choquant et polémique, voir explosif, Acide sulfurique fait réfléchir et frissonner. Pourquoi ne pourrait-on jamais tuer à l'écran ?

"Parce que cela ne se fait pas ! C’est inhumain !"
A y bien réfléchir, cela n’existe-t-il pas déjà ? Extrapolation fabulatrice ou anticipation réaliste d'Amélie Nothomb ? Si le but de la télé-réalité est de divertir, quels sont ses vrais effets sur notre société ? Quelles que soient nos questions et quelles qu’en soient les réponses, jamais allumer sa télévision n’aura été un acte aussi pervers.

***

2 commentaires:

Neodyme a dit…

Oui ! Si en effet le maître-mot est l'amusement, où décidera-t-on de s'arrêter? N'est-ce pas le même symptôme que les jeux de rôle au final? Ta critique me donne envie de lire Nothomb, dont je n'avais lu que le surprenant Stupeurs et tremblements. Merci :)

Julius a dit…

Oui, mais les jeux de rôle prennent appui sur l'imaginaire et pas sur la réalité. Ce qui y est vécu reste "virtuel".

Merci pour ton message Néodyme et bonne lecture ;)